Les cours

cours d'échecs

Les tarifs

Les cours en club auprès des jeunes :

cours d'échecs

  

 

 

 

 

Les enfants privilégient leurs intuitions, leurs habitudes. Ils sont émotifs, téméraires ou conservateurs indépendamment de la situation du jeu. Le métier d'entraîneur d'échecs est délicat car il doit apprendre à des élèves naturellement portés vers les prises de décisions irréfléchies à raisonner calmement.

Les parents s'irritent de voir leur enfant obtenant de bons résultats à l'école faire régulièrement des contre performances. Les efforts intellectuels demandés aux échecs sont plus intenses que ceux requis dans le monde scolaire.

Seuls une pratique régulière et des entrainements fréquents en cours particuliers et collectifs peuvent remédier au manque de maturité. S'ils veulent donner une chance à leurs rejetons de briller, les parents doivent sacrifier beaucoup de temps et d'argent pour les accompagner dans les compétitions et dans les différents cours.    

 

Un club structuré a des groupes de niveaux: Les débutants (première année). Les intermédiaires (deuxième année) et les confirmés (plus de deux ans).

(J'ai animé une belle école d'échecs avec ce format à Pau Henri IV. )

 

Dans le troisième groupe viennent les enfants au alentour de 1500 Elo et le cours s'étoffe. Il est nécessaire qu'ils obtiennent des succès sinon arrivés à l'adolescence, ils vous lâchent et le club perd ses effectifs.

Cela semble super cool de papillonner d'une activité à l''autre mais être novice n'est pas de tout repos. Après le plaisir de la découverte, arrivent les apprentissages et cela passe par de nombreuses défaites.  

 

 

Les écoles publiques

L'animateur en milieu scolaire était considéré comme une pièce interchangeable. Il était posé comme une rustine pour quelques semaines. Les réunions où se prenaient les décisions se faisaient sans concertation des intervenants avec des personnes qui ne visitaient jamais les ateliers.

Pour la mairie de Limoges, le principe était simple. Les conseils d'école pouvaient demander n'importe quel type d'animation, charge à la caisse des écoles de recruter le personnel correspondant. C'était le concours d'originalité pour les maîtresses et j'eus des collègues dont les ateliers répondaient à des appellations vraiment étranges.

Les enseignants avaient eu sous leurs ordres des flopées d'emplois aidés dans leurs établissements et avaient pris des habitudes de petits patrons. Tellement de jeunes étaient au chômage, pourquoi se priver?.

 

D'après la théorie économique, la productivité des employés était meilleure la première heure et décroissait au fil de la journée.

Les cadres des collectivités territoriales optimisaient la masse salariale et des armées d'intervenants étaient embauchés dans les écoles à temps partiel quelques heures par semaine, avec des plannings bizarres, un peu comme des caissières de supermarchés.

La caisse des écoles organisait la souffrance au travail.

Chaque minute effectuée, l'animateur était employé à fond, il avait des enfants à garder, il n'avait pas de temps mort.

 

Avec un temps partiel bien composé, un vingt heures par semaine avec multi employeurs, c'était un métier fatiguant à cause des allers retours incessants. Une heure par ci, une heure par là. Pas d'ouverture de droit au chômage ni à la retraite car le nombre d'heures d'activité était toujours en dessous du nombre requis. Les lois étaient faites pour les riches. Si vous aviez plus de vingt cinq ans, en travaillant vous aviez encore droit aux minimas sociaux. Des travailleurs pauvres.

 

A Limoges, les maires socialistes successifs embauchèrent du personnel municipal à tour de bras avec des visées électoralistes de cours terme. La ville se retrouva avec un déséquilibre financier du à cette masse salariale énorme pour des décennies. Ces gens étaient difficiles à recycler et c'était pitié de les voir traîner dans les différents services: De gros parasites sociaux. Au centre culturel, j'avais observé certain de ces agents pendant plus d'une dizaine d'années sans arriver à comprendre quelle était leur fonction.

Ce beau monde bien protégé se retrouvait tous les deux mois dans les rues limougeaudes en agitant des drapeaux rouges afin de bien assurer leur position.

Des emblèmes de circonstances car nombreux étaient gagnés par les idées d'extrême droite.

Un jeune de mes connaissances s'étaient fait embaucher dans un service technique de la ville. Comme il tardait à passer le permis et n'avait pas de voiture, il était surnommé «le roumain» par ses collègues. Pour ces aliénés fascistes, ne pas avoir de voiture ou être roumain était le signe de la déchéance humaine.

 

Pour les vacations d'animation, il n'y avait donc plus de budget. Les périodes scolaires étaient rognées au maximum et l'espace géographique aussi. Au début, nous intervenions partout et ensuite seulement dans les écoles excentrées déshéritées.

 

Les services des interclasses et temps après la classe étaient souvent réorganisés, ce qui accroissait le malaise des animateurs scolaires. Avec des appellations ronflantes comme aménagement du temps de l'enfant les ateliers avaient lieu à des heures impossibles, le soir après les cours. Un ministre socialiste avait proposé de faire rentrer les activités périscolaires dans le temps scolaire. Il y eut des rapprochements, les professeurs venaient voir les ateliers avec leurs élèves. C'était vital pour nous mais les syndicats enseignants avaient réagi violemment avec des grèves et des manifestations: "Nous ne donnerons pas nos classes" devant le rectorat. Comme à son habitude, le gouvernement Hollande recula.

 

Pour le vacataire, il y avait aucune possibilité de dialogue social car il ne faisait pas le poids devant son employeur, la grosse municipalité. Il s'écrasait car il était assis sur un fauteuil éjectable. Les syndicats n'existait pas pour ce sous personnel. Se déclarant impuissants devant le peu de tenue de nos contrats de travail, ils réservaient leurs services aux titulaires.

 

J'étais allé voir un responsable syndical municipal à la maison du peuple pour me plaindre du directeur de centre culturel. Il m'avait conseillé de tenter le concours de directeur pour prendre sa place. Une réponse inattendue de la part d'un cégétiste, même lui cherchait à me culpabiliser.

En acceptant des conditions d'emplois détériorés, les précaires effrayaient le personnel établi, les fonctionnaires. Ils voulaient des collègues du même statut qu'eux. C'était un phénomène observé par les sociologues, un pourcentage des employés bien installés devenaient agressifs envers les travailleurs pauvres.

Les plus faibles brimés par des cégétistes! Ce n'est pas étonnant que les pauvres ne votaient pas à gauche.

 

Les enseignants n'étaient pas belliqueux. J'étais simplement transparent. Une personne m'expliquait les lieux le premier jour et ensuite plus personne ne m'adressait la parole durant toute l'année. Je croisais d'autres animateurs en coup de vent. Si un atelier se passait mal, j'étais livré à moi même. Les enfants m'aidaient et m'expliquaient les particularités de leur école. Il m'arrivait de devoir courir après une femme de ménage pour ouvrir la porte de ma classe fermée à clefs. Souvent je n'étais pas prévenu lorsque l'école fermait pour grève ou classe verte par exemple.

 

La mairie découpait l'année scolaire en courtes périodes, en raison d'un cours par semaine. Une fois qu'ils avaient appris le mouvement des pièces et compris le fonctionnement de l'atelier, qu'ils étaient autonomes, il fallait changer d' élèves. Travailler avec des supers débutants était épuisant.

 

Je fus employé dans des écoles de centre ville et j'eus de bonnes surprises. Une association de parents d'élèves me multiplia par trois mon tarif. Le président, le directeur de l'école, était un militant d'extrême gauche. Un planqué, la moitié de l'année, il était absent. Il obtenait des congés pour suivre des formations ou pour se présenter en creuse aux élections. Il arrivait vaillamment à deux pour cent. Il fut remplacé par le président de la chambre de commerce et ma paie retomba au plus bas.

 

Les directrices d'écoles disaient être débordés par les taches administratives et ne voulaient pas se charger des ateliers. Décision prise certainement en accord avec leurs combats syndicaux. C'était gênant, les intervenants étaient dépendants des professeurs, pour la composition des groupes. Ils connaissaient les enfants et pouvaient équilibrer les ateliers. Réunir tous les durs ensemble dans un atelier était une des manières d'éliminer un animateur.

 

Au départ, j'étais intéressé par mes performances aux échecs. Je pris cet emploi pour m'assurer un statut social, présenter quelques fiches de paie et éviter d'être obligé de prendre un emploi plus contraignant. Je savais ma prestation éphémère et mal rémunérée. Je n'avais pas peur de la perdre.

Pour mes revenus, importaient surtout mes résultats dans les tournois de week-end.

Malheureusement, des sortes de gilets jaunes avant l'heure arrivèrent dans les clubs pour se servir la soupe et les règles furent changées. Les tournois primés disparurent, faisant un grand tort aux petits professionnels régionaux. Les cours devinrent ma principale ressource.

 

Dans les écoles ils me laissaient libres d'organiser les atelier à ma convenance. Peut être étais je mal payé mais pendant une heure dans la classe, j'étais autonome.

 

Le vacataire à temps partiel était au plus bas degré de l'administration. Sur mes fiches de paie de la mairie, j'avais le grade zéro. Pas sympa de la part du comptable.

Pour le problème de la considération sociale, Il n'y a pas d'autre façon de survivre que de s'en détacher. Je m'impliquais dans mon métier car les enfants n'étaient pas responsables de l'organisation générale et je devais donner du sens à cet emploi pour pouvoir l'effectuer.

 

S'il restait un espace de liberté, c'était encore la classe d'école primaire. Les gamins n'étaient pas encore formatés. Les parents s'y employaient: Nombre de gosses suivaient le grand prix automobile le dimanche après midi, en famille.

 

J'essayais dans les ateliers de créer l'engouement pour le jeu. Avec des débutants, je ne réussis pas à les faire s'impliquer. Ils avaient une façon de se défausser, de rester superficiels qui rendait cet objectif impossible mais j'eus de bons moments. Parfois la classe ressemblait à un tripot. Les enfants étaient toujours prêts pour la rigolade. J'essayais d'éviter l'ennui dans mes classes.

Je lâchai la bride, les encourageais à être actif mais il fallait faire attention que le cheval ne s'emballa pas. En général, mes ateliers étaient bruyants et les enseignants me regardaient avec un air de reproche.

 

L' animateur était très dépendant de la qualité du personnel enseignant. Son cours se passait bien si les maîtresses avaient su calmer les tensions entre les élèves.

 

Quand la direction de l'école créait une ambiance sécurisée dans l'établissement, les enfants étaient plus concentrés et enclins à apprendre.

C'était sensible au retour des vacances, c'était la foire et deux jours plus tard, les maîtresses avaient recréé une ambiance studieuse.

 

Il était possible d'être un enseignant imposteur et de jouer la montre. Méthode à suivre: Faire longuement l'appel; Rappeler les règles de discipline; Faire un cours sur une notion simple et la reprendre toute l'heure. Hurler quand un enfant se balançait sur sa chaise et à la moindre conversation. Dix minutes avant la sonnerie, faire soigneusement ranger la salle et les pièces dans les boites. Sortir de la classe avec des élèves calmes et bien rangés par deux. Un surveillant thématique plébiscité par la direction. Il y avait un bémol, si l'animateur devenait impopulaire et n'avait plus le nombre requis d'élèves et perdait son atelier.

Ils avaient une passion pour l'ordre dans ces écoles, peu importe s'ils restaient quelques analphabètes dans le lot. Il fallait sauver les apparences.

 

Une heure d'atelier me donnait la migraine. Jamais je ne pus me défaire de ce problème malgré mes efforts pour aborder les cours avec sérénité. Douze casseroles sur le feu, une sollicitation constante.

 

 Je croyais avoir touché le fond mais la droite arriva à la mairie de Limoges et ils réussirent à empirer la situation. Ils me faisaient venir pour des prestations de quarante cinq minutes.

J'étais peut être tombé sur un directeur syndiqué pervers car l'organisation proposée pour un atelier était invraisemblable.

Je devais aller chercher les gamins dans deux études différentes, y faire l'appel, leur faire prendre leurs affaires, aller chercher les jeux à l'étage, retrouver ma salle d'activité et y faire le cours. Je devais ensuite les amener au portail et donner les enfants aux parents présents pour enfin retourner avec les gosses restants vers leurs études respectives. Un jeu de piste en moins d'une heure. Ils payaient un intervenant extérieur une bouchée de pain pour faire visiter l'école aux gamins.

Je jetais l'éponge. Je ne reconduisis pas mes contrats avec la municipalité.

 

 

 

les écoles de quartiers populaires

Les encadrants justifiaient les mouvements perpétuels des ateliers:

Un éventail d'activités était proposé et les enfants étaient libres de les poursuivre ensuite dans les clubs et associations s'ils le désiraient.

 

Les enfants de cité ne sortaient pas pour aller dans les clubs de centre ville.

Monter des associations aux pieds des tours, c'était la foire d'empoigne pour les subventions. Dans ces milieux gauchistes, le jeu d'échecs n'était pas forcément apprécié.

 

Je tenais un stand d'échecs à la fête de quartier de Beaubreuil et j'étais excédé. Pendant un temps qui me sembla infini, sur la scène proche, des lesbiennes avaient tapé sur des casseroles pour imiter les enfants des favelas. Je n'avais rien contre ces femmes blanches, certainement pas du quartier, mais elles me tapaient sur les nerfs avec leur infame tintamarre. J'avais demandé à un passant asiatique s'il aimait cette musique. Il avait haussé les épaules en levant les yeux aux ciel. Au même temps moment, pour finir de m'irriter, des types s'étaient installés pour jouer aux dames sur les échiquiers.

 

Les thèmes des associations de gauche: La défense des minorités, la capoeira: Une danse d'esclaves, le cirque, le spectacle de rue; Pour le reste, le foot et l'éternel atelier cuisine plébiscité dans le quartier.

 

Pour les enseignants, pas de compétitions, pas de premiers, pas de coupes, pas de distinctions. Par contre, la domination par le diplôme ne leur posait aucun problème.

 

Les quartiers étaient pris entre différents pouvoirs: Les mafias locales de trafics en tout genre, les institutions religieuses, la police, les associations, les employés municipaux, les services sociaux. L'école était un sanctuaire à l'abri de toutes ces influences.

Les ministères et les professeurs voulaient protéger les enfants de cet environnement difficile et c'était compréhensible.

 

A Agen, lorsque Kouatly vendit très chère une prestation dans les écoles, il fut évident que nos dirigeants fédéraux essayaient de transformer notre sport en marchandise et les élèves en clientèle.

Les échecs avaient bonne réputation internationale. L'éducation nationale poussa ses enseignants titulaires à faire des échecs en milieu scolaire mais le jeu étant une monde en lui même, cela ne s'apprenait pas en quelques heures et les résultats ne furent pas brillants .    

 

Des après-midis consacrées aux échecs dans les écoles seraient un rêve.   

Pour qu'un projet échiquéen sérieux dans les écoles voit le jour en France, de sacrés changements de mentalités seraient nécessaires.

 

Mon premier jour dans une école populaire, j'assistais à une scène incroyable.

C'était à Beaubreuil, quartier sensible bien excentré du centre ville de Limoges. Dans la grande cour, en plein soleil, les enfants étaient éloignés les uns des autres et des enseignants criaient qu'ils allaient procéder à une fouille corporelle générale. La scène me rappela fortement Furyo, le film sur un camp de rééducation japonais durant la deuxième guerre mondiale. J'étais choqué mais j'ai pu comprendre en interrogeant plus tard les enfants durant l'atelier qu'un handicapé s'était fait voler son sonotone. Cette mise en scène était certainement supposée impressionner le voleur. Comme entrée en matière, cela m'avait refroidi.

Les enseignants étaient rudes dans cette école et les règlements interdisaient aux enfants de circuler dans les couloirs après la sonnerie. J'avais laissé des gosses sortir pour aller aux toilettes et attrapés par un enseignant, ils avaient pris une baffe. J'avais pensé un moment que j'avais affaire à une équipe d'enseignants racistes mais ils avaient certainement instauré ces règles pour éviter les vols et les dégradations constantes. Il y avait cent pour cent d'étrangers dans cette école pour ainsi dire. Ils ne se seraient pas permis de frapper sur des français de classe moyenne, cela aurait fait tout de suite des histoires.

 

J'intervins une dizaine d'années dans cette école. Une stabilité inhabituelle car ils ne me laissaient pas longtemps exercer aux mêmes endroits. Une enseignante de l'équipe qui connaissait les échecs m'avait soutenu auprès de la directrice.

La règle de la torgnole si un enfant était pris à trainer seul dans les couloirs persista. L'équipe enseignante avait du arriver à ce genre d'expédient pas très légal devant le nombre d'incidents. Des mesures radicales de protection, le syndrome de l'école assiégée, les petits m'avaient parlé de cas d'incendiaires.

 

Dans les conflits entre élèves, le langage était très cru et pour des broutilles, après les insultes sur leurs mères venaient très vite des bagarres. Ils s'envoyaient vraiment des coups de poings et j'étais obligé de les attraper pour les séparer. Après ces quelques coups échangés, l'ambiance redevenait normale. Si la majorité des enfants n'étaient pas aussi nerveux, ils étaient spectateurs de ces violences et ils vivaient tous dans un milieu conflictuel et angoissant. 

  

Ce n'était quand même pas Alcatraz, je vis beaucoup d'enfants heureux et rayonnants. Ils ne semblaient pas conscients de la misère de leur existence. 

C'étaient beaucoup de musulmans et comme les enfants catholiques des écoles privées, à force d'entendre parler d'amour de Dieu toute la journée dans leurs familles, beaucoup étaient placides, calmes et dans l'entraide. 

Comme chante Sting, "les russes aiment aussi leur enfants". Le tempo était plus lent. J'avais des effectifs réduits. Si le niveau général était plus faible qu'en ville, il y avait des enfants intelligents et bien éduqués, peut être issus de familles aisées, qui avaient subi des revers de fortune. Ce qui sauvait cette école, c'était une mixité sociale relative car certains habitaient dans la zone pavillonnaire proche. 

Ma première année dans cette école s'était mal passée. Comme souvent, ils m'avaient inscrit de grands garçons peu civilisés, comme si le jeu d'échecs allaient les socialiser. Je vis la directrice en lui parlant de mes difficultés et elle me conseilla de virer les plus pénibles. Je m'exécutais et elle me téléphona pour m'expliquer que le nombre d'enfants étant inférieur au nombre réglementaire, l'atelier était annulé. J'avais trouvé le procédé cavalier. Quelques années plus tard, elle me redemanda mais elle fit attention de ne plus m'envoyer les cas désespérés.

 

Dans la salle des professeurs, il y avait toujours des chocolats fins, des croissants, tout un tas de friandises appétissantes et odorantes. Chaque enseignant devait ramener des mets délicats comme à la SNCF, les cheminots ramenaient des bonnes bouteilles pour les pots d'entreprise. Cela devait être un supplice pour les élèves lorsqu'ils passaient devant ce palais de la gourmandise car la porte restait toujours grande ouverte et ils étaient affamés et se partageaient des soupes chinoises déshydratées. Ils étaient plus tendus en fin de mois, c'était palpable.

Les enseignants étaient toujours en grève pour demander des salaires plus importants mais jamais pour relever les minimas sociaux. Ils sortaient des drapeaux rouges mais n'étaient pas des communistes, ils défendaient juste leur intérêt catégoriel. 

Ce serait plutôt le fossé entre les deux classes qu'il faudrait combler. En les voyant, ces gamins, je pensais aux années d'après guerre où l'état faisait des distributions de nourriture dans les écoles.

Une élue socialiste nous avait fait assister à une exposé sur l'état sanitaire des enfants à Beaubreuil. Ils avaient des carries. Beaucoup étaient mal suivis médicalement. 

 

Aux portes ferrées, une école sans mélange social, juste des pauvres. C'était mon quartier, j'étais arrivé en avance pour mon atelier. C'était une école d'application. La moitié du temps, j'entendais la maîtresse hurler. Elle criait comme on crie sur des chiens. Cela ne pouvait pas être une solution, ils allaient prendre en haine l'école et la société.

Mes élèves étaient du genre à brûler des poubelles et à chaparder dans le centre commercial du coin. Mauvais tirage. L'enseignante habitait dans une bicoque à une vingtaine de kilomètres mais j'étais leur voisin.

Je comprenais leur dégout de tout. Je ne voulais pas de problèmes. J'étais resté sympathique et je n'étais arrivé à rien avec eux. J'apportais des médailles et des coupes pour les faire jouer mais çà marchait mal. Ils étaient costauds et le rapport de force était risqué. En passant après un dresseur de fauve comme cette maîtresse, la transition était difficile. Surpris, ils m'avaient dit que je n'étais pas assez sévère.

 

Je connaissais cette école. J'y avais envoyé ma fille. Un jour, un élève fit ses besoins dans la bibliothèque et je ne voulus plus l'y inscrire. Le symbole était trop fort.

Des mamans non musulmanes, amenaient leurs enfants en pantoufles et robe de chambre et venaient les chercher le soir dans la même tenue, c'était déprimant. Il y avait un seul enfant blond et athlétique dans l'école, c'était un enfant éprouvette. Ayant eu le choix, la maman n'avait pas pris du tout le type de son mari, un brun rabougri. Peut être un donneur avec un gros QI.  Que devint cet enfant? Un bon cas pour étudier la part de l'inné et de l'acquis dans la destinée humaine. Le pauvre, les statistiques n'étaient pas en sa faveur.  

 

J'avais des nouvelles du quartier par l'intermédiaire de mes filles. Peu communicatif, je restais dans la cité sans interférer avec  le voisinage mais les enfants créèrent des rapports sociaux. J'appris que la voisine de palier n'était pas la fille de ses parents. Clandestins, ils avaient pris un enfant sous le bras pour passer la frontière et espérer plus facilement obtenir des papiers arrivés en France. Dans un immeuble proche, une tripotée d'enfants logeaient chez le grand père éboueur mais les parents étaient bloqués en Algérie. L'étage dessous, un père avait ramené sa fille en Afrique noire et l'avait fait exciser. A son retour, elle décéda. Elle eut droit à deux lignes dans le journal associatif de la cité.

Dans un appartement, des filles restaient seules de longs mois, la mère ne supportait pas de rester sans activité et partait faire des voyages d'affaires. Encore, il y eut un drame lorsqu'elle décéda dans un accident.

Des gamines jouaient au pédo avec mes filles dehors. Innocent, j'étais allé demander: "Qu'est que c'est un pédo?" Elle m'avaient montré un type habillé bizarrement au loin et partirent en criant : "Le pédo! Le pédo". Les filles ne jouaient pas au loup, elles jouaient au pédo, quel monde! Les mères ne parlaient que de pédos.

 

Les jeunes du collège voisin caillassaient les voitures passant en contre bas, ils se croyaient en Palestine. Le Pole emploi du coin s'était fait incendier. Une tour aussi avait failli partir en fumée. J'étais logé pour rien mais la voiture se faisait vandaliser sur le parking. Le centre social était dévalisé pendant les week-ends. Les ivrognes et les toxicos urinaient dans les escaliers. Les gosses faisaient sauter les plombs dans les couloirs, il fallait marcher dans le noir au milieu des sacs de poubelles. Impossible d'éduquer ses enfants dans un milieu pareil, je partis.

Quand vous passiez, vous voyiez une cité amorphe mais des drames s'y jouaient en sous main et les enfants en étaient les principales victimes.

 

Il y avait différentes classes sociales chez les étrangers dans ce quartier populaire. Les sans papiers, ceux qui avaient les papiers et touchaient les minimas sociaux, ceux qui avaient les papiers et un emploi. Les gens avaient la manie de se classer et ils se snobaient entre ces différentes catégories.

 

Beaucoup d'enseignantes gardaient le masque de la colère imprimé sur le visage. Il y avait une ligne droite et elles s'y tenaient. Je me demandais où elles trouvaient leur conviction.

Ce métier me rendait autoritaire, c'était une déformation professionnelle.

Je ne savais pas crier. Il fallait utiliser son ventre. Si je persistais, je devinais aphone. Ce n'était pas en accord avec ma façon de voir l'éducation.

Les professeurs proches de la retraite étaient esquintés. J'étais allé voir la directrice pour me plaindre des élèves après un atelier mortel car les pièces avaient volé par la fenêtre. Elle pleurait. C'étaient les élèves de sa classe, elle avait supporté le chahut toute la journée.

  

Il y avait une grande inégalité entre les écoles de quartier et les proches écoles élémentaires des villes pavillonnaires. Cinq kilomètres et le monde changeait. Les bâtiments, les équipements, d'un coté dataient; Tout bétonné, longs couloirs froids, peintures bon marché défraichies. De l'autre, des matériaux de dernière génération, de jolies décorations. Ces quartiers, une colonie de l'intérieur. Une population de laisser pour compte. Le décalage était flagrant.

Heureusement, partout des affiches rassuraient: "Le limousin, la solidarité est dans notre ADN."

  

 

La réunion d'information

Michel SAUCEY

En début d'année, les animateurs périscolaires étaient conviés à une réunion à la mairie de Limoges. J'avais la sensation d'être dans dans la file d'attente du secours populaire. Des looks pauvres. Des filles avec leur bébés. Ces jeunes faisaient partie du quart monde. Vu leur dégaine, il devait y avoir des camés dans le lot.

  

Devant notre assemblée misérable, le conseiller municipal socialiste entama un discours un discours sur le thème :

 

" Vous ne faites pas ce métier pour l'argent mais par passion".

Il n'avait pas tort, vu ce que nous étions payé, il fallait bien se raccrocher à quelque chose mais j'avais trouvé ces propos cyniques.

Cet élu avait des passions terrestres et vivait dans une confortable maison dans les faubourgs chics et ses gosses ne mirent jamais les pieds dans les écoles délabrées des quartiers. 

 

 


 

 L'école ouverte aux personnes de bonne volonté. Les jeunes en difficulté d'insertion, les mères de famille, les retraités en manque de vie sociale: Un concept issu des assemblées participatives difficile à appliquer sur le terrain. Les enfants étaient accommodants, ils aimaient les nouvelles têtes mais le métier nécessitait de la sécurité, des compétences et de la continuité.

  

Jeune, j'assistais à une réunion d'animateurs au centre culturel. Les intervenantes âgées se plaignaient de voir leurs nombre d'heures diminuer. La disparition progressive programmée, chaque année, un peu moins d'heures. 

J'avais voté la grève mais j'étais minoritaire. Qu'est ce qu'un centre culturel sans ses animateurs vacataires? Une coquille vide. Les jeunes et les femmes sont les principaux pourvoyeurs des métiers de l'animation. Des catégories sociales dominées. Il n'y a pas de mouvements collectifs de revendication. Cette société corporatiste de la guerre de tous contre tous est rude. 

   

  


Les cours particuliers

 

Qu'est ce qui fait courir les joueurs d'opens ? 

 

Gagner une partie d'échecs leur procure des plaisirs inégalés.

 

Je venais de remporter un tournoi. Je marchais sur l'eau. Un camé dans la rue me jeta un regard complice, croyant que j'étais shooté. Sans produits illicites, j'arrivais à des moments de joie incomparables. Bien sur, l'euphorie ne durait pas et si je gagnais souvent, cela ne me faisait plus rien et je devais remporter des évènements plus prestigieux pour ressentir quelque chose. Il n'y avait pas de recette miracle.

 

L'entrainement prime et rien de mieux que des rendez vous fréquents avec un spécialiste aimable pour réparer les trous de votre répertoire, vous encourager et vous motiver à l'étude. Prendre le temps d'analyser une position et détailler les raisonnements qui mènent aux meilleurs coups.

 

Des gens, passés au club, m'avaient avoué n'avoir jamais joué avec un être humain. Ils avaient appris les échecs sur leur téléphone. Ils sont repartis. Ils préfèrent le monde virtuel.

Les robots nous fidélisent ; Ils sont  disponibles. Ils nous encouragent à chaque petit pas en avant. Ils nous donnent un classement au dessus de votre valeur. Ils nous laissent gagner contre des adversaires fictifs. Nous avons sur l'écran toujours plusieurs propositions et nous pouvons zapper dès que nous sommes confrontés à une difficulté. Nous disposons de vidéos faites par de super grands maitres mais les leçons s'adressent à un public vaste, le niveau n'est pas adapté.

La machine nous propose des jeux de vitesse qui ont plus affaire avec de la dextérité qu'avec de la réflexion. Elle veut nous garder avec elle.   

 

N'interagir qu'avec des automates laisse dans le néant. L'intelligence artificielle annonce les meilleurs coups avec des évaluations. Elle n'explique pas encore comment  les trouver. 

 

 

 

Peu d'élèves suivaient des cours particuliers dans la région. Les limousins avaient peu l'esprit de compétition et pensaient le jeu d'échecs comme un loisir. Dans la capitale régionale, Limoges, il n'y avait pas plus de cinquante personnes intéressées par les échecs. Sur les statistiques du club, il pouvait y avoir plus de licenciés mais c'était artificiel. Les élèves étaient licenciés lorsqu'ils participaient à une rencontre académique. Des licences à cinq euros, cela permettait de réclamer des aides.

La plupart des joueurs d'échecs s'inscrivaient au club surtout pour trouver un lien social. Comme les gens qui promènent leur chien avec l'espoir d'entrer en contact avec d'autres propriétaires d'animaux. Comme formateur, cette superficialité était irritante. 

 

Les subventions servaient à faire des tours en voiture et des repas entre amateurs. La demande pour un entraineur était minime dans cet environnement. Au plus quelques heures pour des animateurs.

 

Trop d'enfants faisaient les pitres dans les cours collectifs. Ils gardaient les mauvaises habitudes prises dans leurs collèges et ne  s'intéressaient qu'à interagir avec leurs camarades. Le rendement était faible. Les effectifs jeunes étaient clairsemés. Il n'y avait pas d'adversité; Ils étaient champions régionaux sans efforts.

Les entrainements adultes, c'était le grand vide. 

 

Devant les résultats affligeants d'un gamin aux championnats, j'avais proposé des cours particuliers. Sa mère s'était mise en colère: « Non, dans ce cas là, je préfère qu'il arrête l'activité! ».

 

Dans des régions plus compétitives, les clubs prenaient en charge les cours particuliers de leurs éléments les plus prometteurs.

En limousin, les présidents de club y étaient réticents. D'où des écarts de niveau patents avec les autres régions.

Internet rendait le monde accessible et je n'étais pas dépendant des petits potentats locaux . 

  

Une élève limousine avait fait sa généalogie, espérant trouver une lignée prestigieuse. Elle était déçue : "Que des bouviers! Aussi loin que j'ai pu remonter! ". Elle était chic dans son tailleur serré mais sa physionomie ne trompait pas: Trapue, un peu courte sur pattes et un gros nez. Tout à fait adaptée pour courir derrière les bestiaux.

 

Ne blâmons pas les limousins. Dans les écoles privées, je ne manquais pas d'élèves. Dans les quartiers aussi mais il était difficile de les faire sortir de leur cité.

L'entraînement d'équipes

La plupart des joueurs ne s'entrainent pas. Ils ne sont pas motivés par l'étude, se sentent dépassés devant  l'immensité de la tache et essaient de se maintenir en pratiquant. Ils sont fainéants et jouisseurs et trompent leur ennui avec les émotions liées au jeu. Les adultes ont une approche du jeu très proche de celle des enfants.

Leur vie échiquéenne est souvent une suite d'humiliations. Après leurs défaites, les gars se mettent en colère mais ne font rien pour améliorer leurs résultats.

 

Après vingt ans de pratique, les voilà comme des poules devant un couteau au troisième coup de l'ouverture. 

 

En suivant un entrainement collectif au club, vous apprenez une méthodologie, des techniques de travail.

Des séances de deux heures sur de longs mois sont nécessaires pour espérer des progrès si vous n'avez pas un métier prenant ou une famille étouffante. Ce jeu demande de la disponibilité.

 

En analysant des positions en groupe, vous comparez votre niveau d'analyse avec celui de vos camarades. Des joueurs de petite catégorie montrent des capacités surprenantes. Le classement n'est pas juste le reflet de la force brute d'analyse. Les performances dépendent d'autres facteurs : La gestion du temps de réflexion, les prises de risque, l'émotivité, le choix des ouvertures, la résistance, les connaissances. 

 

Faire des cours aux adultes est délicat: il faut ménager les susceptibilités. Autant les jeunes, habitués à l'école, acceptent les jugements négatifs et l'autorité des maitres. Autant les adultes n'aiment voir leurs erreurs pointées. Ils sont souvent très fragiles. 

 

Les ateliers d'échecs en écoles privées

Les écoles publiques sont des entités administratives ouvertes à tous et les écoles privées des entreprises.

 

Un métier au coeur de la société. Les enfants étaient des livres ouverts, ils répétaient les phrases entendues chez eux et exprimaient sans détours leurs préoccupations. Leur apprendre les bases du jeu n'avait pas un grand intérêt et les observer me distrayait.

 

Dans les écoles privées limougeaudes, les gosses étaient munis d'un permis à point et lorsque le quota dépassait, la porte se profilait mais les exclusions en primaires devaient être rares.

Les directrices étaient toujours sur le pont. Elles voulaient imposer la discipline et sortaient de leur bureau rouges de colère après les entretiens avec des élèves récalcitrants ou des parents revendicatifs.

Une d'entre elles était une vraie fouine et pendant plus d'une dizaine d'années, elle surgissait à l'improviste dans mes cours et la moindre situation équivoque avec les enfants m'aurait valu la porte. Elle me faisait confiance car elle m'avait souvent laissé seul avec les enfants dans l'école. Ses visites impromptues me rendaient service car les enfants en avaient aussi peur que moi et je leur disais tout le temps "Attention la directrice va passer! " pour les tenir tranquille. Elle avait quand même fini par me virer sans me dire pourquoi et en me regardant méchamment et çà m'avait un peu peiné. Je m'étais habitué à son air revêche. En tout cas, je n'avais pas regretté la marmaille.

  

Les écoles publiques centrales étaient désertées par les familles. Les enfants étaient envoyés dans les écoles privées ou dans les écoles publiques des petites villes pavillonnaires environnantes. C'était compartimenté, les ghettos de riches dans les écoles privées, les classes moyennes dans les écoles des villes pavillonnaires et les étrangers et les pauvres dans les écoles de banlieue.

 

Tu commençais dans une catégorie sociale et des barrières invisibles t'empêchaient d'en changer.

 

Les écoles privées étaient prises d'assaut. Les riches y étaient mais tous ceux qui avaient trois sous devant eux voulaient en être. Même de petits employés municipaux y inscrivaient leurs gamins. Les classes étaient surchargées, le moindre espace était investi pour y installer un élève.


Les riches faisaient des efforts pour l'obtention de diplômes de leurs gosses. C'était la clé pour perpétuer leur domination sociale. Ils les inscrivaient dans les ateliers d'échecs aux valeurs éducatives reconnues.

 

Leurs enfants s'exprimaient bien et avaient de l'humour. Les mères catholiques dévouées et leurs ribambelles de gosses trainaient dans la cour à la sortie des classes. Elles s'ennuyaient mais leurs gamins semblaient heureux.

La religion, c'est bien pour les enfants, le Christ qui marche sur l'eau, la petite voix de la conscience chrétienne te dit de faire le bien. Le diable te conseille de faire des bêtises. Une fille du cours préparatoire m'avait raconté son cours de catéchisme, c'était adorable. Arrivé à l'âge adulte, la vie se gâte avec tous les interdits religieux.

 

Les enfants étaient en général aimables; Cela se comprenait, ils n'allaient pas renverser la table. Ils étaient privilégiés, les vacances au bord de la mer en toute saison. De nombreuses soirées étaient organisées chez eux.  A huit ans, ils avaient parcouru la planète. Il n'y avait pas de mépris social chez les petits. Du moins, je ne perçus pas.

 

J'avais de trop gros effectifs et de mauvais horaires. Les enfants avaient des journées longues. Le soir, ils devenaient pénibles. Certains enfants essayaient de recréer l'ambiance familiale à l'école et moi, pauvre animateur d'échecs, je devais affronter leur agressivité. Que vivaient-ils chez eux pour se mettre dans des états pareils? Les parents étaient occupés professionnellement et les enfants délaissés. 

Les gamins voulaient le chaos et l'institution voulait l'ordre. Pas le droit de les frapper, de les punir sévèrement, de les menacer. Si j'en excluais un, je perdais le montant de son inscription et je n'aimais pas virer les enfants. 

 

J'étais relégué  parfois dans de veilles cambuses sans véritables issues de secours. Je me demandais: "En cas d'incendie, qu'est que tu fais ? Tu brules avec eux ou t'essaies de te sauver" La directrice m'avait indiqué un couloir lugubre pour fuir sous les toits. Il n'y avait pas de places potables pour mon atelier et ils avaient fini par m'envoyer dans les salles de classes. Les casiers tombaient, il y avait des petits larcins. Je gênais les maîtresses. Un soir, un élève marcha sur une cartouche d'encre et éclaboussa le mur. Le cours suivant, l'enseignante très énervée m'expliqua qu'elle avait du nettoyer elle même et que l'avenir de l'atelier était largement compromis. J'avais subi ce genre d'aventure dans le public et il n'y avait pas grand chose à faire que d'attendre. Elle eut gain de cause, l'année suivante, la nouvelle directrice ne prit plus mes appels. Dix ans dans une école et viré pour une tache sans une parole. Chrétienté ou gauchisme n'étaient que des apparences. La nature humaine prenait le dessus et les précaires restaient maltraités.     

 

Tous ces gosses exigeants et agités m'épuisaient. Pas de cours au tableau. Les enfants n'écoutaient pas. Ils regardaient, j'avais l'impression qu'ils avaient compris, mais lorsque je les interrogeais, aucune trace de ce que je venais d'expliquer. Ils avaient des stratégies de simulations. Le travail avec des fiches, en individuel était plus productif. Rarement en collectif ou avec de petits groupes.

 

Il n'y avait pas d'égalité. Beaucoup avaient des problèmes de concentration. Un enfant cherchait la solution d'un exercice pendant deux minutes et ne voulait plus rien faire, considérant avoir produit un effort suffisant. Il fallait le motiver, changer d'activité car il se lassait vite. Dans la même classe, des enfants étaient capables de résoudre des énigmes complexes et de rester concentrés et d'autres, sans volonté, pour qui il fallait un an pour arriver à faire de petits progrès. Les écarts de niveaux étaient énormes et cela dès la maternelle.

  

En de rares moments, même les plus retors pouvaient montrer un désir d'apprendre et être reconnaissants quand je faisais des efforts pour leur expliquer.

  

Parfois des enfants refusaient de jouer avec les autres; Souvent par peur de perdre. Des exercices solitaires ne pouvaient pas les occuper toute l'heure.  Au premier, je racontais en aparté que je lui avais trouvé un adversaire qui n'avait jamais gagné une partie, qu'il savait à peine bouger les pièces, qu'avec lui, la victoire était assurée. J'allais voir le second élève et je faisais le même discours, j'arrivais ainsi à les faire jouer ensemble.

 

Les échecs sont un jeu de société. Lorsqu'ils jouaient, je voyais apparaître dans la classe les clans, les violences, les exclus , les doués, les meneurs, les élèves en difficulté d'apprentissage, les problèmes d'attention.

 

Les élèves pouvaient être répartis en catégories. Les tranquilles, les sages qui dérapaient de temps en temps et un dernier groupe ingérable qui faisait juste de l'opposition.   

Un tableau ordinaire: Les joueurs étaient appariés par niveau, en respectant les désirs de chacun, quelquefois après pas mal de palabres. Les deux plus terribles jouaient et je restais près d'eux; Quelques enfants tranquilles étaient occupés avec des fiches. Tout d'un coup, plusieurs querelles éclataient  et j'étais débordé. Le son montait. Repli sur la ligne rouge : Pas de jets de pièces ni de grossièretés. Si quelqu'un passait dans le couloir, j'allais encore être mal vu. 

  

Une heure d'atelier me donnait la migraine, je n'avais jamais pu m'en défaire malgré mes efforts pour aborder les cours avec sérénité. Douze casseroles sur le feu, une sollicitation constante.  

   

Une météo changeante. Je partais à l'école déprimé en pensant retrouver leurs gnangnans, leurs caprices et toutes leurs histoires puériles et le cours se passait bien.  

 

Ils avaient accru la sécurité à cause des attentats. Ils avaient installé des caméras à l'entrée des écoles. Les entrées et sorties étaient notées. La société penchait à droite, l'école privée aussi.

Le vote rassemblement national était important dans la communauté catholique dixit La Croix.

Le repli sur soi communautaire était sensible. 

 

Il y avait une contradiction, ils voulaient le salut au drapeau, l'église, la famille unie, l'ordre et la discipline pour le pays. Pour eux, la fête sans interruption, aucune restriction, les divorces, les familles recomposées, les affaires sans entraves.

 

Nombre d'enfants étaient tourmentés et sans repères. 

 

Des gamins jouaient aux royalistes contre les républicains dans la cour. En CM2, ils commençaient à être snobs. J'avais dit à un enfant que les royalistes, cela n'existait plus. Il m'avait répondu en souriant: « Mon père a plein d'amis royalistes». Mince alors, un directeur administratif. 

  

Il y avait de bons points. Les enseignantes répétaient aux enfants les principes moraux et cela avait un effet bénéfique. Je ne vis pas de violences physiques et les enfants handicapés semblaient intégrés.

J'avaient les mêmes élèves durant plusieurs années; Pas de cours séquencés en périodes comme dans le public. J'étais mieux payé sans gagner des fortunes.

 

Les maîtresses étaient marquées par la fatigue. Elles avaient de petits salaires et travaillaient beaucoup. Durant l'interclasse, elles faisaient travailler les élèves en difficulté.

 

La tendance était conservatrice: Une maîtresse fit l'éloge d'un élève devant ses camarades. Pour un exposé sur les travaux publics, sa mère avait acheté pour des centaines d'euros de gros jouets métalliques: Des grues, des camions, des bulldozers sur toutes les étagères de la classe. Je trouvais l'étalage ostentatoire mais l'enseignante était aux anges.

 

La professeure de la salle attenante débarqua dans mon cours, fâchée. Un élève jouait seul et suicidait ses pièces en criant. J'avais déjà vu ce genre de comportement. Il n'était pas heureux, sa soeur m'avait montré une marque de main sur sa figure et j'avais supposé un père violent. L'institutrice avait regardé l'élève avec de gros yeux. Pour la maitresse religieuse, le suicide était un tabou.

A l'inverse, je pensais le jeu comme une échappatoire et je laissais libre cours aux enfants d'exprimer leurs émotions.

C'était une bonne maîtresse, elle rassurait les petits avec ses lignes directrices claires et bien établies. Un autre jour, j'avais sa classe mais les enfants avaient changé de comportement, ils étaient agités, je n'arrivais rien à en faire. Elle était en congé et sa remplaçante les avait rendu nerveux.

 

 


cours d'échecs

www.echecs-cours.com