Vivant difficilement le confinement, je suis allé voir les membres d’un ordre religieux contemplatif, dans les environs.
L’un d’entre eux a coupé le contact avec l’humanité. Il vit dans une grotte inaccessible au flanc d’une falaise. Il est ravitaillé avec un panier suspendu à une corde. Le condisciple chargé de l’approvisionnement a sournoisement glissé des bouteilles d'eau de vie de prune, production locale, dans le sac à provision. Des passants ont entendu l'ermite chanter.
Sa communauté s'est émue. Fallait il soumettre le pénitent à la tentation ? Ils ont décidé, magnanimes, qu'il recevrait une bouteille à chaque fête sainte du calendrier.
Il y a des périodes un peu longues dans l'année. D'aucuns prétendent l'avoir entendu pleurer mais ce ne sont que des racontars.
La surenchère morbide dans les médias du fait de la pandémie me rappelle un élève qui criait: « On va tous mourir! » pendant l'atelier d'échecs. Les enfants de sa classe s'étaient habitué aux incantations du pitre mais à chaque fois je tressaillais d'angoisse. Je m'interrogeais même sur ma sensibilité.
Je pensais ce gamin à moitié frappé mais non il répétait avec l'intonation une scène d'un dessin animé où une boite de tomate avait pris conscience de sa fragilité et redoutait l'avenir.
Le dessin, j'aurais voulu représenter l'inquiétude du triage. Dans un hôpital surchargé, ceux qui sont considérés comme trop faibles pour supporter les soins sont envoyés dans la mauvaise file.
Avec la canicule, il est fréquent de devoir jouer dans une salle où la température dépasse les trente degrés. Les organisateurs ne précisent pas sur leurs affiches que les locaux ne sont pas climatisés.
Réfléchir des heures dans ces fournaises, baignant dans la sueur et les odeurs corporelles, un bel avant gout de l'enfer.
Le blitz n'a pas une grosse image de marque. Les novices sont surpris en poussant les portes des club d'échecs de trouver des joueurs tapant avec frénésie sur des pendules.
J'ai trouvé étrange qu'une des principales banques françaises soit associée à des tournois de blitz populaires, sans prix, sans élite et sans prestige.
La banque s'est retirée, la FFE a un gros déficit et le président, devenu minoritaire, a du partir. C'était une équipe élue sur des slogans aux relents populistes. Quelques années plus tard, les
comptes sont déficitaires, les dossiers en panne et les membres des commissions démissionnaires. Une responsabilité collective.
Difficile de savoir ce qui se passe dans l'inconscient des joueurs d'échecs et c'est certainement différent pour chacun:
Des enfants pleurent lorsqu'ils perdent leur dame. Des vieillards s'accrochent instinctivement à la survie de leur roi même si la cause est entendue. Des adultes abandonnent la compétition, ne supportant pas la tension nerveuse après les parties.
Jeune animateur lorsqu'une maman d'élève est venue me demander des explications sur l'engouement soudain de son fils pour les échecs, je lui ai répondu sans nuances:
« Il existe une interprétation psychanalytique: La chasse du roi aux échecs est une mise en scène du meurtre du père, le complexe d' Oedipe. Des champions du monde, Fischer, Kasparov, ont été élevés par leur mère et ont dû vivre avec un père absent.»
La femme m'a regardé de manière bizarre lorsque j'ai parlé de meurtre, cherchant une lueur de folie dans mon regard.
Elle est partie et je n'ai plus vu son fils dans mes cours.
J'aurai pu dire que les hommes sont des grands singes joueurs mais la réponse n'aurai pas convenu non plus.
Le jeu d'échecs cache sa complexité. Un enfant vient juste d'apprendre à jouer et déjà il éclate de rire.
Lorsque j'annonçais la victoire de l'indien Anand sur Gelfand aux championnats du monde d'échecs, surtout auprès des petits, la classe partait en danses, tam-tam et cris de sioux. J'avais beau expliquer qu'Anand vivait en Inde, la farce les amusait beaucoup.
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